Télérama / “Etonnants Voyageurs” 2007
Olivier Pascal-Moussellard présente « certains des Indiens, Jamaïcains et Chinois, [qui] issus d’un passé impérial ou de l'immigration, ont revivifié la littérature anglaise. »
Le succès rencontré depuis deux mois par la jeune romancière chinoise Xiaolu Guo confirme la pérennité de cette étrange fusion. Xiaolu habite Londres depuis quatre ans seulement. Pour elle, comme pour tant d’immigrés, la ville et la langue forment une seule et même forteresse : on s’y cogne, on s’y perd, on la maudit avant de trouver la clef. A concise Chinese-English Dictionary for lovers, son premier roman « londonien » (Xiaolu en a écrit d’autres en Chine), sonde l’extraordinaire bric-à-brac de sensations – angoisses, bonheurs et frustrations – qu’éprouve la jeune étrangère lâchée dans la gueule de Londres. Un roman d’initiation, une histoire d’amour, de sexe et de mots, qui rappelle parfois L’Attrape-cœurs de J. D. Salinger, un de ses romans favoris.
Une visite s’imposait. Aller chez Mrs. Guo, dans le quartier de Hackney, au nord de Londres, c’est prendre la même baffe que la narratrice, Mrs. Z., quand elle débarque sur les rives de la Tamise. Un air de no man’s land, des vitrines déprimantes, l’image furtive de trois musulmanes voilées de la tête aux pieds devant une boîte de strip-tease, et l’écriteau « Interdit de cracher » (en deux langues) accroché à chaque palier : un monde à part vraiment, un quasi-tiers-monde, à dix stations de métro et des années-lumière du palais de Buckingham. Les huit dictionnaires dispersés dans le salon de Xiaolu ne sont pas de trop pour apprendre à le décrypter et à le raconter : « Au début était le verbe, mais le verbe était tordu ! s’amuse la jeune femme en nous tendant une tasse de thé. Quand je suis arrivée, je n’employais qu’un seul temps, le présent, comme en Chine. Bonjour la confusion. Quant à Londres, je ne le connaissais qu’à travers des classiques, traduits de manière fantaisiste dans mon pays : Oliver Twist ne s’y appelle pas Twist, le texte est nettoyé de tous les jurons… j’ai dû tout reprendre de zéro. » Dur pour l’immigrée, mais passionnant pour l’écrivaine. Son « London », Xiaolu l’a décrit « comme ça venait » : en « broken english » – langue bancale, grammaticalement barbare mais riche d’étranges fulgurances – que baragouinent les nouveaux immigrants (et qui rendra fou, à n’en pas douter, le traducteur français du livre). En plein dans le mille : A concise Chinese-English Dictionary for lovers se vend comme des petits pains. TELERAMA 2007
Lire l'article original (repris sur un site universitaire)
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