MA LANGUE AU CHAT Stéphane Guibourgé
La grâce ne se décrète pas. Il lui suffit d'être. Ici, elle affleure entre chaque ligne, de page en page. Pourtant le procédé même qui préside à l'économie du livre aurait pu effacer toute beauté, toute innocence, toute candeur. Mais il n'est pas qu'un procédé. En choisissant de montrer, mois après mois et de mots en mots, l'apprentissage d'un langage (l'anglais) par une jeune Chinoise fraîchement débarquée à Londres ainsi que son histoire d'amour avec un sculpteur britannique amer et végétarien - ce qui, avouons-le, est une façon singulière de compliquer les choses -, Xialu Guo met en place un dispositif en miroir aussi drôle qu'élégant, aussi efficace qu'intelligent. Entre ces deux-là, comme entre elle et la langue anglaise, il n'y a pas d'affrontement, seulement parfois confrontation. De là peut alors naître le sens. Incompréhension, fossé culturel, barrage de la langue sont autant de prétextes au rire et à la réflexion. Là où Xialu Guo se pose en véritable écrivain (cette jeune Chinoise de 35 ans est aussi cinéaste), c'est qu'elle montre aussi et surtout les fissures, les failles et l'abîme qui séparent souvent deux êtres qui s'aiment. Est-on jamais sûr que l'autre vit la même histoire que vous ? Cet abysse, seuls les mots peuvent le mettre à jour, le révéler aux amants avant qu'il ne soit trop tard... Magistral.
Le Figaro, no. 19777
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